West Coast : Bordeaux la belle, Nantes la rebelle

Après la montagne de l’Est, la Côte Ouest. Direction Nantes, cœur du Pays de la Loire et du duché de Bretagne, qui profondément marquée par la Guerre de Vendée et le commerce négrier, est aujourd’hui classée parmi les villes où il fait bon vivre.

La Capitale verte de l’Europe 2013 mérite bien son titre, tant nous apprécions la tranquillité de son jardin japonais sur l’Île de Versailles, qui abrite la Maison de l’Erdre et l’exposition « 100 musiques pour 100 jardins ». Le Jardin des Plantes, avec ses originales œuvres végétales signées Claude Ponti, nous transporte dans une joyeuse aventure animée. Tour à tour gauloise (Namnètes -> Naoned -> Nantes), peuple franc, royaliste, républicaine, ou encore ville industrielle, esclavagiste puis sociale, Nantes possède un passé pour le moins agité !

Pour se détendre, on se laisse aller au Spa L’Odyssée des 5 sens (je n’en reviens toujours pas d’y avoir mis les pieds) : piscine, jacuzzi, sauna, hammam, luminothérapie… Relax quoi. Mais du coup, tant d’efforts, ça creuse (ah ah) ! Un petit tour dans les crêperies Heb Ken et Le Vieux Quimper nous rappelle que nous sommes bien en terres historiquement bretonnes, bolée de cidre incluse. Justement, pique-niquant dans les Douves du Château des Ducs de Bretagne, on entame avec le festival Aux Heures d’Eté un voyage musical au son des chants balkaniques d’un duo hors du commun, entre Albanie et Pouilles d’Italie du Sud : la virtuosité de Redi Hasa au violoncelle accompagne mélodieusement la voix déchirante d’émotions de l’envoûtante Maria Mazzotta, on traverse un pont enchanteur au-dessus de l’Adriatique.

Qui nous fait faire un bond de cinq siècles en arrière, sur les pas de François II puis de sa fille Anne de Bretagne. Résidence principale de la cour ducale, forteresse militaire, Logis du Roy, le « prestigieux » décor est planté. Les guerres de religion et politico-économiques feront aussi séjourner François Ier, puis Henri IV pour la signature de l’Edit de Nantes. La Guerre de Vendée, autre théâtre de déshumanisation, voit s’opposer les Vendéens (l’armée catholique et royale de Vendée constituée majoritairement de paysans insurgés royalistes) et les Républicains. Entre commerce maritime, agroalimentaire et industriel, négoce et esclavagisme – au XVIIIe siècle, Nantes trône comme 1er port négrier de France -, des rébellions de toutes parts (dont les « nègres marrons ») puis la Bataille de Nantes contribuent à mettre fin à cette période pour le moins mouvementée.

Aparté : le Puy du Fou « retrace l’histoire » côté Vendéen en exploitant ses bénévoles, en proposant des spectacles teintés – le mot est faible – de prosélytisme royaliste chrétien et en faisant des dons à des associations aussi conservatrices que réactionnaires, le tout avec les deniers d’un public encore trop peu informé. Crise de foi(e).

Vite, fuyons ce monde effectivement fou et rejoignons l’Afghanistan, chez Ariana, pour une expédition gustative. La Ciboulette vaut aussi le voyage, petite perle verte cachée non loin du château, ex-cantine pour ouvriers proposant désormais une cuisine moderne et créative dans un cadre zen et jazzy.

Pour s’évader davantage, on profite de ce Voyage à Nantes, à bord de l’Iroko, pour une croisière sur la Loire avec Estuaire, balade artistique de Nantes à Saint-Nazaire. Le « Serpent d’Océan » – inspiré du python et des pêcheries bretonnes – et le « Jardin étoilé de Paimboeuf » – œuvre créée en concertation et en collaboration avec les habitants (matériaux recyclés ou glanés sur le parcours : jardin, petit théâtre, tables, abri) qui leur a été offerte symboliquement -, méritent le détour. Une autre balade dans le port et les criques de Pornic, puis dans l’ancien village de pêcheurs Trentemoult, et retour sur l’île de Nantes. La Cale 2 Créateurs, lieu de mode et d’exposition, propose justement son marché local, tandis que le Hangar à Bananes – à bars en fait – rappelle un passé obscur. L’éléphant et les machineries nous faisant plus fuir qu’autre chose, arrêt à la Cantine du Voyage pour déguster une salade on ne peut plus locale – le potager y est accolé – et le fameux poulet d’Ancenis : délicieux ! Ce qui donne des idées… un cours à l’Atelier des Chefs nous fera réaliser un tartare de daurade royale, wok de légumes et mesclun de salade exotique. Un petit tour au Lieu Unique, une dernière fest-noz avec ‘NDIAZ, groupe de transe bretonne exaltée, et c’est le départ pour l’Anjou !

Pour ce covoiturage, on se retrouve en charmante compagnie : une instit Montessori exerçant dans le public, une CPE très engagée et une ex-assistante sociale qui, à la suite d’un voyage à la rencontre de tribus indigènes d’Amérique latine, assiste désormais une anthropologue dans son étude de Pygmées en Centrafrique ! Impatients de piquer une tête dans la piscine de l’hôtel La Saulaie, on nous apprend que notre réservation n’existe pas. Ah oui, et pour la première fois depuis son ouverture, l’établissement est complet. Pas grave ! Les confrères aux alentours aussi ? Ah… Finalement, le gérant trouvera une solution, et nous offrira une bouteille en guise d’excuses. Après la visite du château de Saumur, c’est l’heure du pacs de Marion et François, et après un bucolique jeu de piste à travers Bessé, c’est un autre voyage culinaire qui nous emmène aux quatre coins du monde : pakoras indiens, poulet yassa sénégalais, beyaz peynir turc et tiramisu italien ! Un tour sur la piste permettra de digérer tout ça.

Puis direction Châtellerault pour retrouver Gabrielle et Kévin, qui nous feront visiter la charmante cité médiévale de Chauvigny. A la Croisée des Chemins, nous empruntons celui de Lycante, ou plutôt de Fabien, ex-animateur de ludothèque et de MJC passionné par le Moyen Age et la Commune, faiseur de cuir et surtout redoutable conteur. Alors qu’on s’intéressait à des sacs, il nous vide le sien et nous hypnotise, nous faisant l’écouter et discuter sans nous en rendre compte pendant plus d’une heure ! Du coup, ça creuse, et sur ses conseils avisés, nous voilà attablés autour du fricot chauvinois de Saint-Pierre et le Loup. Avant de nous envoler avec les Géants du Ciel, impressionnant spectacle de fauconnerie, pour admirer les rapaces en vol libre. Puis d’atterrir en gare de Bordeaux.

Le premier soir, c’est Quartier Libre, alors on en profite pour boire nos premiers Bordeaux et Saint-Emilion du voyage, sans oublier la goûteuse Bière du Désert, dans ce restaurant-bar-scène à la cuisine à dominante bio. La musique est en fête, et les concerts au clair de (la) lune du festival Relâche nous permettent d’admirer la basilique Saint-Michel, la porte Cailhou et celle de Bourgogne… Sur le chemin du retour, deux jeunes visiblement un peu éméchés nous interpellent, les larmes aux yeux. Ayant une envie pressante, je les suis à l’intérieur du Pavillon Noir. Et voilà qu’ils m’offrent le fameux Carolina Reaper, shooter de rhum qui ne manque pas de piment (et objet de leurs maux difficiles à mettre en mots) ! Euh, j’étais juste venu pour les WC, moi… Curiosité oblige, je me lance et les regarde observer ma réaction, visages tendus et à nouveau concentrés. Hmm, bon oui ça picote, et après ? Et le barman d’ajouter : « désolé les gars, certains tiennent naturellement ». Ce petit apéritif ouvrant l’appétit, la cuisine épicée et latine de Sabor y Son est la bienvenue. Pasteles, papas rellenas, bandera dominica, ropa rieja, bière San Miguel, tout (y) passe !

Alors pour reposer nos estomacs, le prochain repas sera plus léger. Aérien même. Nous irons donc faire (tomber) le Quatrième Mur, l’invisible frontière entre le public et la scène du Grand-Théâtre, qui est aussi le repaire d’un certain Philippe Etchebest. Le médiatique chef est bien présent, troquant ses couteaux pour un tournevis, tout occupé à refixer une porte de placard au lieu de préparer nos mets. Qui seront effectivement à la hauteur (merci à sa brigade) et fidèle à la gastronomie du Sud-Ouest : salade de tomate au jambon serrano, terrine de foie gras aux fruits rouges (exceptionnellement), thon snacké, noix de veau sauce teriyaki, parfait aux fruits rouges et gelée à la mousse de fruit de la passion. Aucune fausse note pour des panses bien remplies et un portefeuille bien allégé. Partons avant d’attraper le gastro d’en face (coucou Gordon Ramsay), direction Cadillac et son château. Si son histoire débute avec le duc d’Epernon, il est célèbre pour avoir abrité une prison / « école de préservation » (quel humour !) pour jeunes femmes. Surtout, l’exposition « Plus que parfaits » de l’Opéra National de Bordeaux (décidément !) réunit une collection de robes et de costumes ayant servi lors de précédents spectacles.

Culture toujours, nous découvrons, dans le cadre du festival Street Art, l’exposition du Collectif Transfert, qui occupe les cinq étages de l’ancien Virgin Megastore. Une trentaine d’artistes (inter)nationaux aux styles divers se rassemblent autour de l’expression, des messages, monde haut en couleurs. Farewell, par ses œuvres engagées présentées en vidéo, parvient à dénoncer habilement certaines dérives du système tout en invitant à réfléchir comme à rêver. Impressionnant, captivant et inspirant.

Après cette évasion, une balade s’impose le long de la Garonne : esplanade des Quinconces et Monument aux Girondins, Cité du Vin (maison des pochtrons) aperçu de loin, pont Chaban-Delmas, Maison éco-citoyenne… Sympa mais pas assez dépaysant. Heureusement, la Réserve ornithologique du Teich nous réserve des moments hors du temps, tout comme la Biennale de l’Aquarelle (sans oublier la tomme de Bazas). Plus loin, la plage d’Arcachon. Encore. Alors, la Dune du Pilat. Après avoir crapahuté dans le sable du désert et évité quelques parapentes, on peut enfin admirer un paysage rare et magnifique, entre forêt, dune et mer, avec un soleil qui ne demande qu’à se coucher. Pas nous. Dansons sur les quais ! Justement, la soirée rock swing s’annonce endiablée : initiations, démonstrations, piste ouverte à tous… Une dernière danse et puis s’en vont… Allez, farewell, Bordeaux.

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