Quand le voyage dévie…

— Ceci est le témoignage d’un ami, qui a souhaité partager cette expérience de vie —

Une fois. Il était une et une seule fois…

Le weekend du 13-14 mai 2017 s’était déroulé à la perfection.

C’est au bord du lac Léman qu’une amie avait décidé de réunir tous ses amis.

Eh, oui ! 40 ans, ça se fête !

Revenons sur cette histoire, mon histoire…

Elle aurait pu se terminer le dimanche 14 mai.

Une vie réglée comme une horloge suisse :

Une compagne merveilleuse, 2 lapins adorables, un projet d’enfant et des projets de vie à plus ou moins brève échéance, nous avons également le voyage dans la peau : 7 mois en Nouvelle-Zélande en 2014, 3 semaines au Pérou en décembre 2016, 4 jours en mai à Berlin… Les escapades sont nombreuses.

Au boulot, ma fougue et mon énergie m’invitent à multiplier les pilotages de dossiers. Je mets la barre légèrement trop haut et surnage depuis plus d’un mois sans l’avouer. Je me suis mis à ramener récemment des idées noires du boulot et à me sentir bien exclusivement pendant les heures de travail… Hum ! Je me sens comme un funambule, en équilibre instable. Je me dis qu’il n’y a pas à s’alarmer, l’été apportera sa baisse d’activité annuelle…

Naturellement, je ne suis pas quelqu’un de stressé au quotidien : la plupart du temps, tout roule. Mais lorsqu’il y a pic de stress, c’est l’estomac qui prend en premier.

« Unstoppable » :

J’ai tout juste 30 ans, j’ai passé un super weekend avec ma merveilleuse conjointe et des gens géniaux. Barbecue, de l’alcool raisonnablement, pétanque mais surtout une super ambiance qui vident la tête. Rafraîchissant !

Nous nous réveillons à 12h le dimanche, reposés.

Petit déjeuner, aide au rangement du gîte, nettoyage de la chambre, rangement des valises dans le coffre de la voiture. Prêts à partir, avec le soleil au beau fixe, nous disons au revoir à chaque personne encore présente, heureux d’avoir pu faire leur rencontre et partager ce weekend avec eux. C’est le moment du départ, je me dirige vers la portière côté conducteur.

C’est alors qu’une terrible douleur d’une violence aussi soudaine qu’inattendue me saisit l’abdomen et ne me lâche pas. Je m’allonge sur la banquette arrière tentant d’étirer en soufflant mais la contraction est si forte que je suis en respiration saccadée. Je m’assois alors au bord de la banquette, tourné vers l’extérieur.

D’où vient cette douleur ? Ma compagne est désarmée, désemparée : « Qu’est-ce qui se passe mon chéri ? » « Je ne sais pas mais j’ai mal, j’ai mal. » Mon râle était de plus en plus fort. Un ami me propose de me ramener à l’intérieur afin de pouvoir m’allonger plus confortablement. J’ai beaucoup de peine à marcher. Devant les quelques marches qui bordent l’entrée du gît, syncope : voile blanc, voile noir, plus d’image.
Je le connais à peine, ce Thomas mari, papa et roi du barbecue, mais je n’ai plus que sa voix chaleureuse comme issue et son épaule solide pour ne pas vaciller.

Le voile se lève, nous sommes devant le canapé du salon. On m’aide à m’allonger pour éviter de trop forcer sur la ceinture abdominale. Nous envisageons la piste de la déshydratation avec les secours que ma compagne s’est empressée de contacter entretemps.

Soudain, la douleur s’estompe puis… Plus rien !

Je me réhydrate, nous sommes tous soulagés et, toujours au repos sur le canapé, je discute au téléphone posément avec le médecin du SAMU qui évoque un malaise vagal. Il me prescrit un repos de 45 minutes minimum et de boire un peu d’eau quand j’ai soif. J’applique les conseils mais le répit sera finalement de courte durée, la douleur reviendra plus forte encore jusqu’à l’arrivée des pompiers et le transport aux urgences les plus proches. L’équation est la suivante : scanner + bloc opératoire = 1 semaine d’hospitalisation pour la pré-convalescence.

On a mis un mot sur mon mal mais je ne connais rien à cette infection. On en entend beaucoup parler. On ne me donne pas d’explications à l’hôpital, seulement des antidouleurs en continu. Tout passe en perfusion le temps que l’estomac cicatrise ; je suis même affublé d’une sonde nasogastrique, qui aspire tout ce qui tomberait dans l’estomac, ainsi que 2 tuyaux de part et d’autre de l’abdomen qui aspirent les impuretés suite à l’opération.

Avant / après / cependant :

Depuis, l’opération, je réapprends à vivre.

Désormais, l’abdomen et les côtes endoloris, je dois même réapprendre à respirer puis à m’alimenter. C’est une seconde naissance.

Que reste-t-il de tout cela ? Que se serait-il produit si j’avais été en voyage, en randonnée ?

Le 4ème soir, j’étais enfin libre de me déplacer (fini les deux tuyaux et la sonde nasogastrique) avec mon pied à perfusions. Je célébrais ça en allant au bout du couloir admirer le ciel bleu, le sommet des arbres, la vie. Je décidai d’écouter ma musique et je pris la plus grosse claque depuis très longtemps. Première chanson en lecture aléatoire : Thinking Out Loud d’Ed Sheeran qui parle de l’amour inconditionnel qu’il porte à sa compagne. Je sentis que quelque chose ne collait pas, comme un décalage entre ce qu’il chantait et ce que je venais de vivre, jusqu’au coup de grâce : « And darling I will be loving you ‘til we’re 70. »
De chaudes larmes ont ruisselées le long de mes joues malgré moi.

Je pleurais de colère d’avoir cru, comme le chanteur, que tout était tracé et que la vie était devant moi. A présent, rien ne m’apparaîtra plus comme acquis. Plus de « on verra plus tard » ou les « on a le temps ». Maintenant, c’est « ok, on prévoit ça pour quand ? » ou « on se le note pour en reparler et planifier ».

Désormais, je dois également vivre avec de nouveaux yeux. Ma lecture du monde et des événements est bouleversée. Je vais devoir accompagner mes proches dans la compréhension de ma nouvelle grille de lecture.

Mes priorités (v)ont changé. Je n’ai plus peur du temps qui passe, contrairement à avant. Il n’y a plus d’urgences, sinon celle de vivre.

La vie est précieuse et fragile, je le savais. A présent, je le comprends au sens « avoir en soi comme constituants, être formé de ».

Le vrai du faux :

Je me suis rendu compte de la gravité de l’événement par les échos de ma famille et de mes proches. Malheureusement, cela a alimenté leur désarroi et leur incompréhension.

Le peu d’informations que l’on peut glaner sont des facteurs qui aggraveraient un ulcère : cigarette, alcool et stress…
D’après les informations de source sérieuse, 40% de la population serait porteuse de la bactérie Helicobacter Pylori, responsable de la formation des ulcères. Seulement 10% de la population serait susceptible de contracter un jour cette infection. Et malgré tout ce qu’on pourrait essayer d’envisager, les médecins sont catégoriques : il n’y a pas de cause identifiée au déclenchement de l’ulcère.

J’ai juste tiré le mauvais numéro.

En revanche, le côté positif c’est qu’il y a peu de chance que je contracte un jour un nouvel ulcère, et puis, pour prévenir tout risque, je serai maintenant suivi régulièrement par un gastro-entérologue.

Disons que la cigarette occasionnelle n’existera plus, le peu d’alcool consommé va être quasiment supprimé et, niveau stress, les priorités professionnelles vont changer : terminé les dossiers qui se multiplient. Je vais essayer la méditation, m’intéresser au yoga et tout ce qui aide à diminuer le stress.

Je ne buvais même pas de café quotidiennement…

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